L’entreprise de construction Brigil s’est positionnée, mercredi, en faveur d’une « densification sensée » à Gatineau, en soutenant que la ville devait « donner l’exemple ». Le promoteur immobilier dit souhaiter ainsi enrayer l’étalement urbain, en misant sur des quartiers de proximité.
Avec un manque à gagner de 100 000 logements au Québec, l’heure est à l’urgence, souligne l’entreprise dans un communiqué, mercredi. Elle dit ainsi joindre sa voix aux économistes, aux planificateurs urbains et aux environnementalistes pour lutter contre l’étalement urbain au profit de la densification sensée.
Depuis le début de l’été, les appels à faire face à la crise du logement à Gatineau se sont multipliés. Le taux d’inoccupation des loyers y est d’environ 1 %, en deçà du seuil pour un marché équilibré qui est fixé à environ 3 %, selon les experts. Ce taux est inférieur à 1 % pour les grands logements, souvent convoités par les familles, comme le rapportait l’organisme Logemen’occupe, au début du mois.
Pour Gilles Desjardins, président et fondateur de Brigil, la solution réside dans le concept de densification urbaine.
Prenons à témoin un type d’habitation que nous proposons : le bâtiment Horizon, qui compte 82 unités sur 4 étages. Il est possible d’y loger 82 personnes (minimum) sur un terrain de 25 800 pieds carrés. Loger ces mêmes 82 personnes dans des maisons de ville requiert 4 fois plus de terrains qu’un bâtiment de 4 étages, soit 103 000 pieds carrés, souligne M. Desjardins dans son exposé.
Gilles Desjardins appelle ainsi à un partenariat citoyen entre l’administration municipale et les constructeurs, qu’il dit prêts à investir dans ce futur qui cogne à nos portes.
Un positionnement salué par le CREDDO
La sortie du promoteur immobilier, qui a mené de nombreux projets de développement dans la région, peut surprendre, lui-même ayant développé plusieurs projets de maisons unifamiliales.
Mais selon le président de la Commission du développement du territoire et de l’habitation et conseiller municipal du district du Versant, Daniel Champagne, cela témoigne de la volonté des promoteurs de faire partie de la solution.
Il y a véritablement une volonté de travailler avec la Municipalité pour assurer cette densification, assure-t-il. Brigil confirme cette volonté de travailler ensemble pour créer des milieux de vie.
e directeur général du Conseil régional de l’environnement et du développement durable de l’Outaouais (CREDDO), Benoit Delage, applaudit la prise de position du groupe Brigil.
Les promoteurs, comme les politiciens et la population générale, ça prend souvent une transition dans leur façon de voir l’aménagement urbain. Il y a beaucoup de cynisme autour de Brigil, mais je trouve ça courageux de leur part de le dire et d’amener des projets dans ce sens-là, a-t-il réagi en entrevue.

Benoit Delage, directeur du Conseil régional de l’environnement et du développement durable de l’Outaouais (archives) Photo : Radio-Canada / Jean-François Poudrier
Le développement de maisons unifamiliales n’est pas une solution durable, poursuit M. Delage, qui souhaite que la Ville de Gatineau respecte le périmètre urbain et refuse des demandes de dérogations pour des projets en dehors de ce périmètre.
Les MRC autour de la municipalité ont elles aussi un rôle à jouer, selon lui.
Si les municipalités autour de la Ville ne prennent pas leur responsabilité en termes de densification, on va juste reproduire l’erreur qu’a [faite] Gatineau.
Si on veut préserver des milieux naturels, si on veut diminuer l’étalement urbain, il va falloir assurer une densification douce.
Une citation de Benoit Delage, directeur général du Conseil régional de l’environnement et du développement durable de l’Outaouais
Selon M. Delage, il est souhaitable de favoriser les constructions de moyenne hauteur, entre trois et cinq étages, et de développer des quartiers où l’on peut vivre sans utiliser la voiture. Mais cela passe aussi par des changements au sein de la population, poursuit-il.
L’enjeu, c’est la demande : les citoyens veulent reproduire ce qu’ils ont connu dans leur enfance. Beaucoup ont grandi dans une maison de banlieue, moi le premier. […] Il faut revoir le modèle, la façon dont on vit et dont on profite le territoire. Il y a un grand changement de paradigme à mener. J’espère que [la sortie du groupe Brigil] va amener un questionnement et un peu plus de courage au niveau, oui, des promoteurs, oui, des politiciens, mais aussi questionner les citoyens sur le type de vie qu’ils veulent mener et ce que sera leur contribution.
Créer des milieux de vie
Dans une déclaration écrite transmise à Radio-Canada, la mairesse France Bélisle rappelle son appui à la densification du territoire de Gatineau, critiquant au passage le bilan de l’ancienne administration en la matière.
Cette densification doit s’inscrire dans un contexte de mixité sociale, mais doit aussi être suivie par un développement soutenu de nos infrastructures. Ça n’a pas été le cas au cours des dernières années, on a ouvert la machine dans certains secteurs, sans y ajouter des services auxquels les citoyens s’attendent, déclare-t-elle. Oui, il faut être en mode solution pour répondre aux besoins criants en logement, miser sur la collaboration et s’assurer de travailler avec des paramètres définis non seulement dans notre volonté de densifier, mais par rapport à la typologie de logement, aux services de proximité, aux espaces verts, bref, à la création de véritables milieux de vie.
C’est futile de créer des logements si on ne crée pas de milieux de vie.
Une citation de Daniel Champagne, président de la Commission du développement du territoire et de l’habitation
Un point de vue également partagé par M. Champagne, qui rappelle que la Municipalité dispose de plusieurs outils – créés en consultation avec les citoyens – pour encadrer les projets de développement immobilier, tout en créant des milieux de vie.

Le président de la Commission du développement du territoire et de l’habitation, Daniel Champagne (archives) Photo : Radio-Canada
La question qu’on doit se poser, c’est : que veut-on faire politiquement? Quand on regarde le centre-ville, dans les huit dernières années, on a mis en place des mécanismes pour favoriser la densification, mais c’est comme si on a laissé de côté l’idée de créer un milieu de vie, dit-il, insistant sur l’importance du développement commercial et d’infrastructures adéquates. Il y a une urgence d’agir pour répondre à la crise du logement, donc il faut une densification intelligente.